Briser la monotonie des instances ( 2 / 4 )


     L'article précédent tendait à montrer qu'il ne fallait parfois pas chercher bien loin pour redonner du sang neuf à une instance. Observer les mécanismes du succès de certains jeux vidéo classiques et l'adapter aux particularités de courtes parties semble être une base sur laquelle ne repose pas un trop grand nombre de MMORPG. Pour continuer sur cette absence d'avancée, nous allons nous centrer avec subjectivité sur un élément clé : le joueur.


SECONDE APPROCHE EN SPIRALE :

     Quel est donc ce mystérieux besoin qui pousse un joueur à faire encore et encore cette suite de parcours identiques, de détours similaires pour finalement assassiner sans aucune vergogne, d'un simple trait de souris et de clavier, ce pauvre et pitoyable boss de fin ?


  Les puristes me répondront que, s'investissant dans leurs personnages, ils participent au rééquilibrage de la balance cosmique en rétablissant l'ordre en face du chaos en libérant une pauvre région nécessiteuse du joug d'un méchant aussi horrible que puissant qui l'oppressait du plus profond de son antre. D'autres moins nombreux me diront que, placée derrière toute grosse bestiole faisant l'erreur de traîner dans les grottes du voisinage ou les tours de châteaux hantés, se trouve toujours une jolie princesse à sauver et un vaste royaume à acquérir, après avoir convaincu beau-papa, bien sur.

     Que nenni, que nenni !
    Une seule et unique chose intéresse le joueur de RPG. Aussi Pavlovien que la cloche du chien, le seul aimant sur lequel se fixe la boussole du joueur est ce qui se trouve à la fin de l'instance, à savoir le trésor, encore le trésor et toujours le trésor. Cette course effrénée qui permet, par la plus grande des persévérances, d'arriver enfin à l'ouvre boite ultime qui fait également office d'antenne parabolique, tout en permettant d'appeler les copains. Atteignant ainsi son Graal numérique, l'héroïque joueur se chargera de rappeler tout innocemment que les autres, eux, n'ont pas eu sa chance, hélas !


    Par mesure de prévention, je signale que l'image qui suit peut engendrer un très fort phénomène de dépendance, d'importants chocs nerveux ou de brusques spasmes des doigts et des mains ( prouvé scientifiquement, si, si, puisque je vous le dis ).


      L'air de de rien, cet humour sibyllin change néanmoins quelque peu la donne, si l'on élargit le cercle du questionnement. En effet, on peut s'interroger sur les éléments suivants :
- Est-il indispensable de modifier la structure actuelle des instances ?
- Si cette structure devait devenir plus complexe, comment maintenir l'intérêt du joueur ?
- Comment améliorer l'intégration d'instances au sein du jeu lui-même ?

    Je me propose donc d'aborder le problème indirectement. Je partirai de l'a priori qu'une telle structure existe, quelle qu'en soit son fonctionnement. Il s'agit plus pour moi d'essayer – avec ma mauvaise foi coutumière - de me placer dans un esprit d'évolutivité plutôt que de me cloisonner sur la fausse béatitude de l'existant actuel, même si ce dernier fait actuellement ses preuves. Néanmoins, il faut être conscient que certaines contraintes demeureront. D'où les a priori suivants :


Premières lois pifométriques de base liées aux instances

Si pas de trésors, pas de joueurs, donc pas d'instance.
( Règle du trésor toujours insuffisant )

Quelle que soit la complexité technique d'une instance,
elle doit rester amusante pour le joueur, sinon pas d'instance.
( Règle du pilonnage intensif à bourrinage exponentiel )


     Les plus avancés d'entre nous observeront que la seconde règle regroupe partiellement le domaine d'application de la première. En toute modestie, je me permettrai d'insister sur la notion d'amusement, nuance d'importance car il n'y est pas noté intéressement. La négliger serait occulter quelque peu que nous nous situons d'abord et fondamentalement en face d'un jeu.

     Histoire de fixer les esprits par l'exemple, discutons sur ces bases des instances telles que nous les rencontrons de nos jours. A quoi donc ressemble, pour le joueur, la structure d'une instance actuelle ?


     Cette rapide décomposition en quatre temps ne devrait normalement pas poser de problèmes à grand monde. A ce stade, je me permettrai simplement d'insister sur la seconde étape, où les déplacements au sein d'un donjon consistent simplement à réaliser un génocide auprès d'une population de bestioles blasées d'avoir à subir l'ire d'aventuriers de passage à longueur de journées.

     Ce modèle est-il mauvais ? Certes non puisqu'il fonctionne depuis plusieurs années. Par contre et pour ma part, je ressens qu'il présente l'apanage d'une certaine simplicité de conception : structure linéaire, pas d'embranchements possible dans cette structure et, surtout, aucune existence d'éléments de surprise ( je ne parle pas, bien sur, du contenu aléatoire du trésor ). Sans vouloir blesser quiconque, j'oserai dire que c'est de l'instance de base, sans les options : sans d'essuie-glace ni lecteur mp3 ou de roue de secours. Bref, ça roule mais sans plus.


OK, OK, MAIS COMMENT ATTAQUER LE PROBLEME ?

      D'accord, d'accord.
   Je vous propose un raisonnement de principe agrémenté d'une petite figure sur laquelle se grefferont mes modestes propos. Imaginons donc une série de cercles de tailles différentes capables, dans notre cas, de tourner pour se bloquer tous les 120 degrés. On met tout ça ensemble, on découpe les parties internes relative à chaque morceau de cercle tous les 120 degrés également et on s'arrange pour que, géométriquement, il y ait une symétrie entre les entrées et les sorties dans ce bel arrangement. Normalement, la figure ci-dessous devrait, à peu de choses près, ressembler à ce que votre esprit est en train d'imaginer.

        


 Le seul point fixe de cet assemblage est le point d'entrée dans laquelle l'aventurier courageux va se précipiter pour – encore – sauver le monde et récupérer la princesse en perdition ( à se demander d'ailleurs comment elle a bien pu faire pour arriver la dedans ! ). On observera, qu'a partir de cette entrée immuable, le jeu des différentes rotations permet, grâce justement aux symétries des entrées / sorties des différentes zones de modifier la topologie du donjon. Remarque pas si innocente mais sans rapport direct : pourquoi faut-il toujours que les méchantes bestioles traînent au fin fond de grottes et non pas au milieu de quartiers perdus ou de châteaux reconnus ?


Que se passe-t-il selon le point du vue du joueur ?

     Principalement, seule la présentation des lieux changera, les couloirs ou les chemins seront différents pour accéder au boss de fin et au trésor si ardemment désiré. Même si ce point apporte une avancée par rapport à l'existant, il demeure absolument inutile si l'on s'arrête à ce stade. Il ne faut pas en effet être naïf : pourquoi irait-on créer quelque chose de compliqué si une solution plus simple réalise la même chose ?
     Oui, mais …
     Nous avons apporté la potentialité d'une création au sein d'une structure actuellement répétitive. Je dirai avec humour que nous entrouvrons la porte d'instances version 2.0 où les équipes de programmation auront à réfléchir sur des contenus de zones non seulement intéressants mais qui pourront varier, ce qui correspond au titre de cette série d'articles. A mon modeste niveau, j'aborderai dans la troisième partie les axes potentiels de ces contenus. Évidemment et comme d'habitude, l'intérêt fondamental du jeu demeurera à l'image des différents investissements ( techniques, humains et financiers ) qu'il aura réussit à traverser.


Peut-on aller plus loin dans cette approche ? 

     Oui, sans conteste. On peut aisément imaginer ne serait-ce qu'une structure incluant un plus grand nombre de cercles, un plus grand nombre de secteurs par cercles. Cet exemple, par souci d'explications simples, se contentait de se placer sur un plan ( ou deux dimensions, si vous préférez ). En conservant cette simple contrainte, il est possible de tracer d'autres approches graphique : au lieu de cercles et d'anneaux de cercles, on peut y voir des damiers plus ou moins sophistiqués ou des figures géométriques encore plus complexes, la seule contrainte étant une similitude entre les entrées et les sorties des ses différentes zones.
     En continuant ce raisonnement, on peut également envisager des structures encore plus complexes, donc plus évolutives en trois dimensions. Cela étant dit, j'aurais quand même à titre personnel tendance à un peu calmer ce début d'enthousiasme. En effet, je demeure persuadé qu'il faut mieux concentrer son énergie sur une qualité de contenu que sur un complexité de structure. Nous sommes censés, je le rappelle, être en face d'instances et je crois qu'il faut conserver à l'esprit une rapidité de traitement : l'environnement se doit d'être un support variable et intéressant, non une nouvelle contrainte.


Existe-t-il d'autres approches ?

     Fondamentalement, je le pense mais en toute sincérité je n'ai pas planché réellement sur ces dernières. Mon propos était dans cet article particulier de montrer sans prétention aucune qu'il existe des possibilités et de regretter qu'elles ne fussent pas mises en exécution à l'époque ou notre planète est entourée de satellites, objets bien plus complexes que nos jeux simples vidéos bien répétitifs.

En vous remerciant de votre lecture, suite au prochain épisode.

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